Skip to content →

Le Temps, 2019

08/11/19

Le temps m’oppresse.

Face à l’infini et incompréhensible univers la vie m’apparaît comme une fraction de seconde. Il ne se passe pas un jour, parfois pas une heure, sans que je me demande si tout ça n’est pas une mascarade. Comment font tous les autres pour vivre sans comprendre ce qu’ils font là ? Comment peuvent-t ‘ils accepter sans broncher d’aller poser leurs culs sur une chaise pendant 8h pour « apprendre », avant d’aller sculpter ce même cul pendant 2h encore et puis d’aller se coucher sereins, prêt à recommencer demain. Je ne comprends pas ces gens qui misent toutes leurs heures sur l’avenir. C’est un pari perdu d’avance. Qu’est-ce que vous ferez de votre réussite sans temps ? Qu’en ferez-vous dans votre cercueil ? Mes seuls échappatoires à ces questions sont les drogues et les jeux vidéo stimulants. Il me faut éteindre ou captiver mon esprit pour qu’il ne s’exprime surtout pas.

J’aimerais me poser moins de questions, ou qu’elles ne me fassent pas tant souffrir. Je pense que j’ai besoin de consulter un psychologue ou qu’on me foute sous anxios. Le problème ne se résoudra pas tant que la vie ne me révèlera pas son sens. Et bien qu’égocentrique, j’ai malheureusement conscience qu’on est des milliards à rechercher ce sens et qu’il n’est apparu à personne jusqu’alors.

Mes angoisses se résument en une idée simple : si la vie a une fin alors rien n’a de sens et si la vie n’a pas de fin alors comment ne pas souffrir d’un cercle infini ? Pourquoi agir si tout se répètera encore et encore…

J’en ai marre des réponses bateau de ceux qui foncent tête baissée vers la mort : tu dois être heureux, tu dois faire le bien autour de toi, tu dois laisser ta trace… Je dois ? Mais je dois à qui ? à quoi ? Tout ce que je vois moi c’est qu’environ 100 Milliards d’humains avant moi ont dû faire bien et qu’aujourd’hui il ne reste de leurs actions que bien peu.  Et même si leurs idées ont survécu aux siècles à travers leurs descendances l’humanité prendra fin un jour emportant avec elle tout ce labeur et ce bons sens inutile.

J’adore ce qu’écrit Pessoa quand il dit qu’agir c’est se tromper. Quoi qu’on fasse dans cet incompréhensible spectacle qu’est le monde est une trahison. C’est se mentir à soi-même, s’occuper pour mieux oublier. Parce que rien n’a de sens et que tout ce qu’on construit disparaîtra. En sommes je suis effrayé et j’ai l’air bien faible à travers ce texte mais en me confrontant à ces questions plutôt qu’en fuyant, je me comporte en brave et con comme un kamikaze qui se jette, la tête haute, dans la gueule du loup.

Toutes mes angoisses se réfèrent à l’existence du temps. J’ai 21 ans et je me sens terrifié comme un centenaire aux portes de la mort attendant seul l’heure de mourir.  On s’adresse aux vieux qui croupissent ainsi avec toute la pudeur que leurs situations inspirent ; on veut les faire profiter de leurs vieilles heures. On n’évoque jamais leurs craintes, à eux qui sont un peu plus proches que nous de l’autre monde… Et pourtant, combien de fois j’ai pu entendre sortir de leurs bouches sages de terrifiantes paroles « la vie passe vite, trop vite ». En général leurs yeux bienveillants se haussent pour accompagner ces mots et en une fraction de seconde on peut alors sentir la peur et l’amertume qui les habite eux-aussi : comme une seule faille, pourtant béante, dans leurs esprits pleins d’expérience.

Le plus terrible à mes yeux et d’imaginer que tous les liens solides et si rassurants qu’on se construit seront rompus un à un par cette loi immuable et dégueulasse qu’est la mort. Je ne me vois pas vivre sans ma mère, ma famille, mes amis. L’idée elle-même me fait monter des larmes et me travail le ventre. Tout ceci n’a pas de sens pour moi et j’ai du mal à prendre part à la frénésie qui anime la plupart des autres. J’aimerais qu’on me comprenne mais je ne parle pas. Peut-être que ce sont les limites de la conscience et de la compréhension humaine qui me tiraillent.

Le temps gouverne les autres, moi il me hante, il m’harcèle, m’oppresse.

Published in 2019

2 Comments

  1. Toutes ses questions me tiraillent et pourtant, je ne sais par quels façons, j’arrive à m’en extirper. Je pense que cela vient du fait que je suis et sera sûrement pour toujours, un éternel naïf et insouciant. Que la mort me prenne et avec joie ! Car si rien n’a de sens, alors je vivrai pour mon propre sens. Je reste toutefois influencé par deux milliers d’années chrétienne, de mon environnement familial ainsi que de mes amis. Je pense que la véritable réponse à ses questions est propre à chacun et qu’elle se trouve dans les désirs/envies de la personne. On peut résumer à trois questions : Qui es-tu ? Qui veux-tu devenir ? Pourquoi ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.